« Charles-Henry Cuin, professeur émérite de sociologie, vient de nous quitter. Entré à l’université de Bordeaux en 1974, comme maître-assistant, il soutient sa thèse sous la direction de François Chazel, en 1985. Un livre, Les sociologues et la mobilité sociale paraitra en 1993. Il y analyse et interroge la mobilité sociale et ses modes d’interprétation. Proche des travaux de Raymond Boudon, ses propres recherches comme ses cours accorderont une grande place à la théorie sociologique et à l’histoire de la discipline, à l’épistémologie, puis à une sociologie des croyances et de la foi. Son livre Histoire de la sociologie (2 tomes) a été réédité et actualisé plusieurs fois depuis sa première parution en 1992.
Au sein de l’université, il a dirigé le département de sociologie de 2001 à 2007. Il a été directeur du Lapsac (Laboratoire d’analyse des problèmes sociaux et de l’action collective), et a œuvré à la création du Centre Émile Durkheim (UMR 5116), associant les sociologues du Lapsac et les politistes du Spirit (Science Politique Relations Internationales Territoire). Il a aussi été membre du jury de l’agrégation de sciences économiques et sociales (1997-1999), du comité de rédaction de la Revue française de sociologie, du comité scientifique de la revue Sociologie et société, ou bien encore chercheur associé au Gémass (Groupe d’étude des méthodes de l’analyse sociologique de la Sorbonne) longtemps dirigé par Raymond Boudon.
Grand lecteur et analyste de l’œuvre de Durkheim, il a organisé à Bordeaux deux colloques internationaux importants. L’un, en 1995, discute un des livres majeurs de Durkheim : les Règles de la méthode sociologique paru 100 ans plus tôt ; l’autre célèbre le centenaire de la disparition de l’auteur (2017). Dans les deux cas, il s’agissait moins d’engager une lecture critique d’un livre ou d’un parcours que d’interroger la postérité d’un auteur. Les ouvrages publiés à la suite de ces colloques en témoignent : Durkheim d’un siècle à l’autre (1997) puis Durkheim aujourd’hui (2018) co-dirigé avec Ronan Hervouet, proposent une approche stimulante et originale de l’héritage de Durkheim. Ses dernières années, Charles-Henry Cuin a publié de nombreux articles, ainsi qu’un livre Sociologie des croyances et de la foi (2022), consacrés aux croyances religieuses, autant de travaux qui discutent et interrogent leur singularité. « Les croyances religieuses sont-elles des croyances comme les autres ? », écrit-il, cette approche est aussi l’occasion de tester et de développer l’hypothèse de la rationalité cognitive proposée par Raymond Boudon.
Pour ses collègues, comme pour les étudiants et les nombreux doctorants qu’il a accompagné, Charles-Henry Cuin n’était pas seulement un érudit et un passionné de l’histoire de sa discipline. C’était aussi et surtout un être profondément chaleureux et bienveillant, à l’œil pétillant, aimant faire partager ses passions intellectuelles, ses lectures et son appétit de la vie. Il passionnait les étudiants alors même qu’il consacrait une grande partie de ses cours à l’épistémologie. Il captivait son auditoire par son goût des histoires et des récits. Son style, tout en rondeur, son élégance et son éloquence en faisaient un collègue singulier et attachant. Il était un Monsieur que tous ses proches et collègues appelaient Charly. »
Olivier Cousin
Faculté de sociologie - Université de Bordeaux
Directeur adjoint du Centre Émile Durkheim (UMR 5116)